« l’intelligence artificielle nous projette dans un emballement temporel »


Arthur Mensch, cofondateur et PDG de Mistral AI, lors d’un sommet mondial sur la sécurité de l’intelligence artificielle (IA) à Bletchey, en Angleterre, le 2 novembre.

Au seuil des années 2000, quand la bulle Internet battait son plein, on avait coutume de parler d’« années Internet » pour décrire l’accélération du temps. Une année Internet valait une dizaine de fois une année normale. Il faut croire que l’intelligence artificielle (IA) nous projette encore plus loin dans cet emballement temporel. Il y a à peine un an, on s’épatait encore de voir des start-up récolter des dizaines de millions d’euros quelques années après leur création, voire, pour certaines, atteindre la valorisation spectaculaire du milliard d’euros. Dans l’IA, on compte désormais en semaines et en mois.

Créée en avril, la très jeune pousse Mistral AI a réussi à récolter 105 millions d’euros six semaines seulement après sa naissance. Et six mois plus tard, ce dimanche 10 décembre, elle a annoncé avoir bouclé un nouveau tour de table de 385 millions d’euros. Selon l’agence Bloomberg, cette opération valoriserait l’entreprise à près de 2 milliards d’euros. Du jamais-vu. A titre de comparaison, Google a été créé en 1997 et, face à son succès immédiat dans le monde entier, a réussi à lever deux ans plus tard 25 millions de dollars de fonds.

Cette frénésie actuelle tient à trois facteurs. D’abord, l’apparition de ChatGPT en novembre 2022 a fasciné le monde entier par ses performances vertigineuses, démontrant la maturité de cette technologie. Ensuite, les compétences de très haut niveau nécessaires pour manipuler ces concepts et logiciels sont très rares, ce qui renforce la valeur des heureux élus, comme les trois fondateurs de Mistral AI, cracks en mathématiques qui ont fait leurs premières armes chez Meta et Google. Et, enfin, parce que le développement et l’entraînement de ces cerveaux artificiels demandent des milliards de calculs et donc un temps d’ordinateur extraordinairement coûteux.

Course mondiale

Face aux promesses prométhéennes de cette intelligence des machines, les Etats et les entreprises s’agitent dans deux directions opposées, l’une pour tenter de réguler le comportement de ces nouveaux génies mécaniques et l’autre pour essayer de ne pas se faire distancer dans la course mondiale. La France mise donc gros sur Mistral AI et l’écosystème qui existe déjà autour d’elle et de ses homologues. Des centres de recherche universitaires, un nouveau laboratoire de calcul, et des capitaux qui affluent, à la fois des Etats-Unis et de France, provenant aussi bien de financiers spécialisés que de grandes entreprises qui ne veulent pas rater le train. Quitte à reléguer au second plan les velléités européennes de trop forte réglementation. France et Allemagne sont d’accord pour ne pas entraver leurs champions naissants. Les règles du jeu viendront plus tard…



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